Aux Omergues sur le Plateau d'Albion, prés de 250 hectares de terres naturelles offertes aux industriels du photovoltaïque
Habitants, occupants et citoyens concernés par la multiplication des projets de parcs photovoltaïques menés sur les terres forestières, agricoles et pastorales entre la Montagne de Lure et la Montagne d’Albion (lieu-dit de Saint-André de Villesèche), nous sommes surpris d’apprendre que deux nouveaux projets de parcs photovoltaïques sont déjà en cours d’étude malgré les recommandations de la DDT 04 (voir références ci-dessous), la jurisprudence et les dernières recommandations du cadre régional.
Comme les habitants de Saint-André de Villesèche, unanimement signataires de la lettre d’opposition à ces projets, nous souhaitons que ces terres à la biodiversité encore exceptionnellement préservée ne deviennent pas le lieu de constructions industrielles ou pseudo-agricoles défigurant l’ensemble du paysage et entravant la circulation de la faune.
Ces terres, où nichent des espèces rares tels que le busard saint-martin, le busard cendré, l’engoulevent et le petit duc (pour ne citer que quelques oiseaux remarquables) sont garantes de la biodiversité, de l’absorption de CO2 et de la non désertification des paysages.
Entendez bien qu’il ne s’agit pas de refuser de participer à la réponse collective au besoin d’approvisionnement en électricité : deux parcs photovoltaïques, public et privé, viennent déjà d’être terminés sur cette zone. Les nouveaux projets concernent des surfaces de 4 à 30 fois plus importantes. Aucune alternative ne semble avoir été étudiée.
Comment envisager, sous faux-couvert écologique, de transmettre aux générations futures des territoires pastoraux et forestiers minés et mis à mal par des projets industriels qui ne garantissent en rien la production d’énergie sur le long terme ? Que deviendront ces complexes métalliques, bétonnés et grillagés lorsqu’il n’y aura plus de subventions et que les panneaux photovoltaïques seront devenus obsolètes et que les compagnies se seront désistées de leur devoir de remise en état des sites ?
Les Omergues, lieu-dit « Défends du bon Péou »
Sur la commune des Omergues, la centrale solaire portée par la multinationale Sun'r Power est sortie de terre sans que nous en soyons averti. Elle se situe sur une colline face à Villesèche. Elle a un objectif de 5 MWc sur 6,16 ha. 12 hectares de forêts et terres naturelles ont été impactées.
AVANT
APRÈS
L'enquête publique pour les Omergues a reçu un avis favorable du commissaire enquêteur... Ce dernier reconnait les enjeux écologiques de ce site mais évoque le fait que "pour accéder aux besoins imposés par les pouvoirs publics en matière d'énergie renouvelable il sera manifestement nécessaire d'investir des zones à enjeux... ". Il déplore aussi le fait que chaque commune démarche au coup par coup sans qu'il y ait de concertation globale dans l'ensemble du territoire.
Cependant, pratiquement rien sur les objections que notre collectif avait émis dont voici le contenu :
- Ce projet est constitué par une demande de permis de construire n° PC 004 140 19 S0001, déposée le 30 octobre 2019 par la société Sun'R, pour un projet photovoltaïque de 5 Mwc, d'une emprise clôturée au sol de 6,1 hectares.
- La parcelle, sise au lieu-dit « Défends du bon Péou », est un « espace naturel boisé », situé sur la « partie sommitale » de celui-ci.
En étudiant le dossier de la MRAE et la réponse de l’industriel Sun’R, nous retenons, entre autres, plusieurs arguments qui confortent notre opposition à ce projet.
D’un point de vue écologique :
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Les terrains, sur lesquels prend place le projet de parc photovoltaïque ont été exploités autrefois à des fins agricoles, ce qui explique le jeune âge des arbres en place (moins de 30 ans) permettant de dire à l’entreprise qu’il s’agit d’un terrain en friche. L’entreprise se vante que « la mise en place d’un parc photovoltaïque permettra de réutiliser ces terrains délaissés et de les valoriser ». Pour nous, cet argument est un non sens : valoriser ces terres serait, bien au contraire, espérer qu’un jour, de nouveaux paysans aient le souhait de les cultiver. Nous manquons d’espaces agricoles, ce serait une aubaine pour de jeunes agriculteurs. Mieux encore, ce terrain, si on laisse la végétation se développer, pourrait redevenir forêt, ce dont nous avons encore plus besoin dans la situation actuelle de réchauffement climatique. Un parc solaire ne valorise en rien les terres. Au contraire, il les assèche, empêche toute végétation de pousser et peut même créer des ruissellements nuisibles….
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Le site « Défends du Bon Péou », au sein duquel vient s’insérer le projet, est bordé de grands espaces naturels peu anthropisé. C’est une zone ouverte au sein d’un milieu fermé, et, de ce fait, un espace de déplacement, de chasse, et d’alimentation pour la faune correspondant à un corridor écologique. De nombreux animaux en font leur lieu de vie et de subsistance dont des espèces protégées comme l’Alouette Lulu, l’Engoulevent d’Europe, la Vipère d'Orsini, des chauves-souris, de nombreuses espèces de papillons, des coléoptères. L’entreprise Sun’R nous donne des arguments irrecevables pour soutenir son intention de défrichement : « Suite à l’actualisation des enjeux écologiques en 2021 et à la disparition naturelle d’espèces à enjeu en lien avec la fermeture des milieux, les OLD et l’entretien de la végétation qu’elles entrainent seront favorables à l’Engoulevent toujours présent mais aussi favorable au retour sur site et au maintien de l’Alouette lulu mais aussi potentiellement à celui de l’Azuré du Serpolet si par chance sa plante hôte aujourd’hui absente et toujours présente dans la banque de graine. » C’est une aberration : le défrichement d’une zone forestière n’a jamais été favorable à une espèce d’animal. Ce qui lui est favorable c’est que son milieu reste tel que la nature l’a fait…
- Est irrecevable également l’argument de dire que « la mise en œuvre des mesures ERC permettent de garantir le maintien des espèces faunistiques et floristiques patrimoniales présentes sur ces sites et sur leurs abords puisqu’il reste encore, pour le moment d’amples surfaces disponibles pour les espèces concernées. » Bien sûre la Montagne de Lure est grande, mais ce n’est pas pour cela que l’entreprise peut tranquillement détruire certains espaces en prétextant qu’il en reste d’autres de sauvages !!!
Les aspects paysagers :
Malgré les arguments de Sun’R prétextant que « le site du projet des Omergues crée une clairière autour de laquelle le couvert boisé garantit son invisibilité, quels que soient les lieux de perception, exceptés les abords directs ne pouvant concerner que quelques rares promeneurs, sylviculteurs et chasseurs », nous affirmons que son artificialité portera atteinte à l'harmonie et à la biodiversité sur les contreforts de la Montagne de Lure. Situé sur les contreforts de la montagne de Lure, le projet est concerné par l’entité paysagère « plateau d’Albion » de l’atlas des paysages des Alpes de Haute-Provence9 . Il est identifié comme monts et plateaux calcaires formant un ensemble de hautes terres dont les vastes horizons tabulaires s’élèvent progressivement vers le nord jusqu’à Lure. Ce parc s’installe sur une partie sommitale de la pente sud du Puech à l’intérieur d’une zone constituant un secteur encore préservé. Il est traversé par des sentiers de randonnées et accès ancestraux menant à des constructions de bergeries en pierres sèches (bories) patrimoine de ces territoires. L’atlas des paysages recommande de « Préserver l'identité des paysages ruraux de la Montagne de Lure ». Le parc photovoltaïque apparaitrait comme une « pièce rapportée » dans un environnement naturel (tissu forestier). On se demande comme l’industriel Sun’R ose poser des arguments aussi grossiers et se vantant, au contraire, d’améliorer la paysage par son projet désastreux : « D’un point de vue paysager, l’éclaircissement de cette strate préservera les grands arbres et, de ce fait, permettra de ne rien modifier en termes de paysage. Si des promeneurs venaient à emprunter cette piste d’accès, le paysage forestier traversé sera dans ce secteur plus clair et dégagé, laissant davantage apparaître les troncs des arbres émergeant de la strate herbacée. ». Bien sure Sun’R ne parle pas du choc de la vision d’un champ de panneaux solaires au milieu de la forêt !!!
Les effets cumulés : Mitage de la Montagne de Lure
Le dossier de Sun’R n’inventorie, qu’un seul projet de centrale photovoltaïque dans la commune des Omergues « projet AMIC », implanté au sein du même réservoir de biodiversité de type forestier, à moins de 7km. L’étude d’impact indique que « ainsi, de par son envergure ou son occupation au sol, le projet de parc photovoltaïque des Omergues n’est pas de nature à combiner ses effets individuels avec ceux des projets connus ». (EI – p.133). Ce pourrait il que l’entreprise ne soit pas au courant des nombreux parcs photovoltaïques présents ou à venir8, qui fragmentent les espaces naturels et le paysage ? En effet, le dossier ne présente pas dans l’état initial, le bilan des centrales photovoltaïques au sol existantes sur les flancs de la montagne de Lure et sur les communes voisines (Retordiers, Banon, Simiane, Ongles, Fontienne, Cruis...). Tous ces projets se situent dans des secteurs naturels boisés. L’évaluation de la pression sur les écosystèmes et les paysages (mitage, artificialisation) de tous ces projets est donc énorme.
L’économie locale
Autre mensonge de l’entreprise SUN’R : elle affirme que son projet solaire « permettra de valoriser et de dynamiser le territoire, tout en produisant des effets cumulatifs positifs sur l’économie locale. » Tout cela, est faux : l’entreprise n’amènera aucun travail supplémentaire pour la commune…Il est faut aussi de faire croire que « le réseau électrique public sera enrichi de l’électricité produite par le parc photovoltaïque ». L’électricité produite partira vers Limans pour alimenter d’autres secteurs énergétiques.
Les risques de feu de forêt
La caractérisation de l’aléa d’incendies de forêts réalisé dans le cadre du porter-à- connaissances du 12 février 2020 présente un aléa d’incendies de forêts « élevé » à « très élevé » au droit de l’implantation du projet mais également tout autour, le site étant entouré essentiellement de boisements. Ainsi, de par sa position très isolée et la nature de ses installations, le projet est à la fois vulnérable au risque feux de forêt, mais également peut contribuer à aggraver ce risque.
La commune n'est couverte par aucun « plan de prévention des risques » de feux de forêt. L'isolement du site, entouré essentiellement de boisements, peut contribuer à aggraver ce risque.
Le raccordement
Le raccordement sera fait au poste source de Limans en suivant la route : soit près de 40 km de câblage et de tranchée…. Même si l’entreprise revendique le fait que cela n’aura aucun impact sur le paysage, nous pouvons dire que la construction de ce raccordement utilisera à nouveau beaucoup d’énergie. Nous savons aussi que, plus les trajets sont long, plus il y a perte d’intensité électrique.
L’aspect démocratique de cette enquête publique
- Tout d'abord, on ne nous explique pas ce que représentent « le siège principal », aux Omergues, et « le siège secondaire », à Revest du Bion. Le « siège » de quoi ?
- Ensuite, on doit constater que la société SunR nous propose la lecture de plus de 100 Mb de dossier d'études d'impacts de son projet et d' autres dossiers complémentaires. En un mois, il est difficile d'éplucher tout ces dossiers. Toutes les pièces du dossier d'enquête devraient être accessibles beaucoup plus en amont, c'est à dire beaucoup plus tôt : le projet de la mairie remonte à 2012 !
- Les Avis de la Mrae devraient aussi pouvoir être consultés beaucoup plus en amont par les citoyens. - Pour ce qui est de l'avis du public, auquel on propose d'envoyer ses observations et ses propositions, il serait souhaitable de faire une réunion publique bien avant de passer à l'enquête publique, afin que ces projets se construisent avec les habitants de la Montagne de Lure et du plateau d'Albion. Il y a bien eu une réunion publique mais celle-ci a été programmée seulement quelques jours avant le début de l’enquête. Elle a donc réuni très peu de monde car, d’une part peu de gens ont vu l’annonce et , d’autres parts, peu de gens étant au courant du projet, très peu se sont senti concerné…
Le commissaire enquêteur a la possibilité d'organiser ou de convoquer la réunion publique. Il aurait pu le faire pour les Omergues bien avant que le projet soit avancé…
- Sur « l'enquête publique » :
Tout récemment, le 15 novembre 2021, le Conseil d’État conforte certaines dispositions de la « Convention internationale d'Aarhus du 25 juin 1998 » sur la participation du public aux décisions en matière d'environnement, signée par la France. Le paragraphe 4 de l'article 6 encadre l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel, et l'accès à la justice en matière d'environnement : « chaque partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est à dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles, et que le public peut exercer une réelle influence ».
D'après le Conseil D’État, « ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne ». A l'évidence, « nos procédures ne respectent pas l'obligation de laisser le temps au public de se préparer et participer aux travaux tout au long du processus décisionnel, dès le début de la procédure, afin qu'il puisse jouer un rôle effectif dans la prise de décision. Il en résulte l'obligation de revoir de fond en comble le processus d'enquête publique » ( Gabriel Ullmann, ancien commissaire enquêteur).
Ce principe « d'effet direct » reconnu par le Conseil D’État, donne la possibilité à un particulier d'invoquer une disposition d'un traité international directement devant une juridiction nationale lors d'un litige.
En juin 2007, une décision du Conseil D’État avait déjà fait jurisprudence sur le contenu des informations à communiquer au public, les délais d'information, et les modalités de la participation du public, tout comme en octobre 2021 sur la liste des activités soumises à l'obligation de participation du public. Ces prises de position du Conseil D’État devraient amener à une révision de la procédure des enquêtes publiques. Pour finir, on peut noter qu'à la date d'aujourd'hui, les observations du public ne sont pas encore accessibles sur le site de la préfecture, alors qu'elles le sont habituellement pour les autres enquêtes publiques.
Les énergies renouvelables
SUN’R vante son projet qui permettra à la commune « de se donner une image hautement écologique en permettant la mise en place de parcs photovoltaïques produisant de l’électricité à partir de l’énergie renouvelable, non émettrice de gaz à effet de serre, et ainsi de participer à la lutte contre le réchauffement climatique global ». Elle atteste que, « en prenant en compte le cycle de vie des panneaux photovoltaïques, le parc photovoltaïque permet d’éviter l’émission de près de 452 tonnes de CO2 par an. » En réalité, cet argument est faux, comme nous l’avons vu plus haut, l’énergie photovoltaïque ne permet pas d’éviter l’émission de gaz à effet de serre si on considère sa production à partir de la construction des panneaux solaires… On sait aussi que ces énergies « propres » et « renouvelables » ne remplacent pas les énergies fossiles, ni le nucléaire, mais qu'elles s'y ajoutent, car le monde n’a pas encore évolué vers une « décroissance énergétique ». Ce projet, une fois encore, n’a rien d’écologique…
Nos propositions
La seule vraie écologie serait, tout d'abord, de, non seulement protéger les forêts et tous les sites naturels, mais de reboiser, planter des espèces d’arbres adaptés à notre climat et notre terre, recréer des haies, de reconstruire une biodiversité riche. Il s’agirait en parallèle, de réduire notre consommation d’énergie, notamment en isolant mieux nos habitations et les bâtiments, en limitant volontairement nos déplacements, en arrêtant de créer et d’utiliser des objets énergivores, en créant de l’énergie à partir de technologie douces, artisanales, locales, en développant un nouvel art de vivre moins consommateur. ..L'avenir des énergies propres est à l’échelle des territoires locaux, et non pas déconnecté des réalités économiques locales comme ces projets que l'on nous propose.
Quand aux ressources économiques des villages de notre territoires, il faut y réfléchir d’une autre manière : notre richesse n’est pas d’avoir des terrains à vendre ou à louer mais c’est d’être en lien avec des paysages magnifiques, une biodiversité formidable, des forêts, des terres encore sauvages, un air pur, des rivières et des sources. Notre richesse est la qualité de notre vie et, cela, n’est pas monnayable….
Enfin, pour l’aspect démocratique, il faudrait revoir la procédure d’enquête publique afin de laisser le temps au public de se préparer et de participer tout au long du processus décisionnel, dès le début de la procédure. La sagesse voudrait qu'on instaure un moratoire sur ces projets qui mettent en péril la Montagne de Lure, et que s'ouvre un vrai débat sur l’avenir de ce lieu remarquable.
En vue de tous ces arguments, nous nous prononçons contre la demande d’autorisation de construire un parc Photovoltaïque sur les communes des Omergues et de Revest du Bion.
AMIC
8 hectares sur terrain privé
Centrale en activité